Jaconas !
MUSÉE DE LA RUBANERIE
Jaconas !
Présenté par : Olivier Clynckemaillie, Conservateur-Directeur, Délégué général
"Jaconas!" Rassurez-vous. Il ne s'agit ni d'un gros mot, ni d'une injure oubliée du capitaine Haddock, ni d'un signe discriminatoire envers la gent féminine mais bien du nom d'un ruban dont Comines avait le secret ! D'ailleurs, si d'aucuns s'amusent à le prononcer en faisant chanter la consonne finale (et la tentation, je peux l'admettre, est forte), je me dois de leur faire savoir qu'ils ont tort !
Plus sérieusement, le jaconas est un tissu de coton fin et léger, entre la mousseline et la percale, employé surtout dans la confection féminine et dans la lingerie. Les bretelles de soutien-gorge en sont un bel exemple.
Comines en a fait une de ses spécialités depuis la seconde moitié du XIXè siècle et son industrialisation. Très vite, ce type d'article s'est imposé et a inondé le monde. Après la Grande Guerre, le tissage de ce de ruban a repris de plus belle, notamment pour les grandes marques que sont Valisère (aujourd'hui aux mains du groupe américain Triumph), Bolero (célèbre entreprise roubaisienne qui a marqué des générations de femmes par la haute qualité et le confort sans pareil de ses produits), mais aussi Rosy, Lou, Chantelle... Comme toutes les productions cominoises, le jaconas avait son propre barème, régulièrement ajusté et rendu public.
Le document MRc2786 présenté en image dans cet article date de vers 1925. Il a été imprimé chez Debrez à Comines-France, entreprise toujours debout et qui avait un important bureau de publicité par lithographie à cette époque. On peut y lire que les articles se vendent par douzaines, selon la largeur des pièces et la longueur totale du produit et que les prix dépendent aussi du type de conditionnement. Au verso de la pièce d'archives, le client découvre que lesdits conditionnements vont de 1,75 mètres minimum à 100 mètres maximum, avec à chaque fois 30 possibilités différentes de largeur du ruban. Les prix y sont calculés en conséquence.
Dernier reste de documents d'entreprise souvent jetés à la poubelle ou laissés sur place une fois la fermeture ou la démolition de l'usine décidée (ce qui explique l'état de conservation du notre, récupéré in extremis), ce type de témoin, précieusement conservé dans notre centre de documentation, permet aux chercheurs de se pencher sur la réalité sociale et économique d'une époque mais aussi de donner aux générations actuelles et futures un image de l'industrie qu'ils ne soupçonnent pas à l'heure de la mondialisation à outrance. Il est aussi une belle illustration du savoir-faire d'une classe laborieuse qui se voit remise au pinacle par les créations 100% made in France ou made in Belgium. Dorénavant, quand vous entendrez "Jaconas!", vous penserez La Rubanerie cominoise et patrimoine.
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